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mercredi 19 mars 2008

Think Tank Watcher

Think Tank Watcher est une veille de premier niveau sur les principaux think tanks internationaux, français, européens et américains : Observation des tendances, description des acteurs, de leur positionnement et de leur actualité. Le format est simple, un blog et des publications périodiques, relativement courtes sur divers thèmes : Les Think Tanks et la présidentielle américaine, l'Europe ou les enjeux nationaux. Sur quels thèmes et avec quels moyens ces acteurs incontournables de la société civiles influencent-ils le champ politique, culturel, médiatique, sociétal ? Le blog est édité par mon cabinet RCA. Voir la petite note "Ma vie en narcisse" de Luc Mandret, autre acteur incontournable, mais de la blogosphère cette fois-ci.

lundi 10 mars 2008

J'ai voté pour Medvedev !


Les russes ont élu à plus de 70% leur nouveau Président. Il s'appelle Dmitri Medvedev, ce qui veut dire "ours" en russe et j'ai voté pour lui. Enfin, pas tout à fait mais c'est tout comme. En Russie, les sondages ne se trompent jamais. Les sondeurs ont annoncé dans les médias 70% depuis plusieurs mois, Medvedev a obtenu 70,23% des voix. Belle performance. La Russie a officiellement respecté les usages de la démocratie. Le vote a eu lieu avec un fort taux de participation : 70%, c'est bien. C'est un beau taux et c'est un peu la loi des séries. Pourtant, beaucoup de russes n'ont pas été voter autour de nous ... les jeunes, les vieux, les communistes, les pro poutine, les autres, au moins 7 sur 10 ! Bien entendu, cela ne reflète pas la réalité. Les russes ressentent comme un petit malaise. Il y a comme un arrière goût de supercherie. A la télévision, dans une émission grand public, les russes rient aux éclats et se moquent des élections : Un personnage irréel, sorti d'un conte pour enfant, un peu comme "le chat botté" entre sur scène en pleine émission. L'animateur étonné lui demande ce qu'il fait là. Il répond qu'il est là. Alors l'animateur s'interroge et lui demande s'il va voter pour les élections et pour quel candidat ? Le personnage irréel sorti d'un conte de fée répond qu'il votera bien entendu pour "Bogdanov". L'animateur lui demande pourquoi et le personnage irréel lui répond "parce qu'entre personnages irréels, on se soutient !"
Voilà, Le Monde aurait dû résumer les élections ainsi. Une grande farce passive, un grand rire sans éclat, mais certainement pas une manifestation. Les russes ne se révoltent pas. Ils s’adaptent, c’est leur nature. Nous sommes passés dans la rue le lendemain des élections. En effet, on pouvait apercevoir quelques dizaines de russes sur une place, immobiles. Mais cette photo à la Une du Monde ne reflète en rien la réalité de la Russie et de son état d'esprit.
Sur la petite route enneigée, le 2 mars 2008, nous sommes allés voter. Il y avait peu de monde, néanmoins, on pouvait reconnaître quelques visages du quartier, et puis, cette petite ballade est un petit évènement, l'occasion de se revoir et d'échanger. Il tombait une pluie glacée comme Moscou sait la faire. A l'entrée de l'école, deux hommes en uniforme qui ne contrôlent pas grand chose et un guide en costume qui oriente les électeurs vers le bon guichet… On s'enregistre, on montre patte blanche, une carte d'identité (russe de préférence), puis on vous remet une feuille A4 avec tous les noms des candidats à rayer, à conserver, ... à oublier. Puis une autre feuille pour le parlement. Tous, presque, appartiennent au parti de Poutine, les autres sont de pâles figures d'une opposition organisée. On peut lire "Guennadi Ziouganov", profession : opposant professionnel, un statut très convoité. Alors on choisit. J'ai beaucoup influencé le vote, j'accompagnais quelques amis. Devant l'urne, rien. Pas d'enveloppe. Pas de "à voter". Personne autour des urnes. Elles sont là, vides de sens. Une petite fente attend le papier glacé. La petite feuille A4 bien pliée, la seconde. Rien n'empêcherait d'y mettre quelques photocopies, plusieurs A4 bien disposées, d'ailleurs personne ne s'intéresse aux urnes, ici, voter est un simulacre et tout le monde se moque.
Mais ne vous trompez pas... Les russes ne détestent pas Poutine. Ils comprennent et s'amusent, rient aux éclats. Ils ne le détestent pas, l’aiment bien un peu, beaucoup, en sont fiers souvent (la Grande Russie). Disons que ça les énerve alors ils tournent cette histoire en dérision. On leur permet de rire d'ailleurs, à pleines dents de cette farce. Ils ont au moins ce droit. Rire. Pour le reste, la vie est un long fleuve tranquille. La pluie glacée tombe sur des russes résignés, qui répètent inlassablement : « Golossouille nié golossouille, vsio, ravno poloutchich kouille » avec le bras d’honneur qui va avec… Mais je peux difficilement traduire sans être grossier, disons que c’est un sentiment de profonde résignation. L'élection est une forme de non évènement pour le peuple slave qui vit sa rupture avec le pouvoir comme une condition difficile, immuable et acceptée.